Dimanche 28 janvier 1950 Par suite d’un dégagement instantané au Puits I,
3 mineurs succombent à l’intoxication


Un dégagement instantané de gaz, au Puits I, a causé le dimanche 28 janvier 1950, la mort de trois mineurs et l’intoxication de trois de leurs camarades de travail.
C’est avec une intense émotion que la nouvelle d’un accident mortel collectif, événement qui ne s’était plus produit depuis 1924, fut accueilli ce dimanche 28 janvier dans le bassin minier de Merkwiller-Pechelbronn.
Le Siège Clemenceau, situé sur le territoire de la commune de Preuschdorf, non loin des dernières maisons de Merkwiller-Pechelbronn, venait d’être le théâtre d’un drame de la mine : au cors du poste de nuit, le gaz d’une couche,
se détendant à la manière d’une explosion, avait envahi brusquement des chantiers occupés.
Le personnel des galeries voisines se porta immédiatement au secours des sinistrés et donna l’alerte au jour. Le chef porion, M. Becker, descendit en toute hâte au fond avec le matériel de protection et le sauvetage des victime fut poussé avec acharnement sous la conduite de MM. Loiseau et Lévi, ingénieurs en chef, arrivés peu après sur les lieux de l’accident. Les mesures d’ordre général de sauvegarde étaient prises par la direction en liaison avec les autorité, en particulier le maire de Merkwiller-Pechelbronn, appelé sans retard, au Siège Clemenceau.
Les sauveteurs, dont le premier groupe était dirigé par l’aide porion Litolf, présent au quartier, ont fait preuve d’un dévouement absolu. Nous ne pouvons, de crainte d’en omettre, les nommer tous ici, mais leur intrépidité a permis de sauver leurs camarades blessés, gravement intoxiqués, avant qu’il fut trop tard et de remonter, en même temps, les corps de ceux qui avaient cessé de vivre à l’arrivée des secours.
Le corps des trois mineurs : MM. Frédéric Dreher, de Preuschdorf, 36 ans, 19 années de service, marié et père de trois enfants, Emile Esch, de Leiterswiller, 54 ans, 30 années de service, marié et père de six enfants vivants, Joseph Fontaine, de Soultz-sous-Forêts, 45 ans, 28 années de service, marié et père de deux enfants, furent remontés au jour et transportés à leur foyer, à la demande expresse des familles, prévenues de ce deuil douloureux par les soins de la direction. Trois blessés gravement intoxiqués : MM. Paul Buff, de Soultz-sous-Forêts, Guillaume Schreiner, de Langensoultzbach, et Albert Winterstein, de Soultz-sous-Forêts, furent tout de suite dirigés par l’ambulance de la Société sur l’Hôpital de Haguenau. Leur état, inquiétant au début, s’est heureusement amélioré et ils ont pu, entre temps, regagner leur domicile.
D’après les renseignements recueillis au cours de l’enquête officielle, l’accident semble s’être produit dans les conditions suivantes : deux équipes de trois hommes occupaient deux traçages à la galerie Loche et à la descenderie Maquereau, un mineur coffrait un puisard à proximité et trois autres travaillaient dans les environs. Vers 1 heure du matin, le chef de chantier Dreher, observant une coulée anormale de sable et percevant une odeur de gaz, donna l’alerte et sept ouvriers se retirèrent avec lui dans les galeries d’entrée d’air frais, les trois autres s’éloignèrent davantage vers la recette du puits. Ce mouvement s’opéra en observant les consignes de sécurité de la mine.
Que se passa-t-il ensuite ? Il est difficile de le préciser. Une poche de gaz creva dans la galerie Loche et le gaz se répandit avec violence dans la galerie voisine où s’étaient réfugiés les sept hommes. Ils essayèrent de s’éloigner de la zone dangereuse, mais un seul, le plus jeune, Humbert, y réussit, car les corps des autres furent retrouvés, dispersés, dans des galeries à proximité. Trois d’entre eux avaient cessé de vivre, les trois autres purent être ranimés, non sans peine.
L’enquête conduite par les ingénieurs du Service des Mines de Strasbourg a montré qu’aucune faute n’a été commise, qu’aucune mesure de protection n’avait été omise et que le sinistre est dû uniquement à une cause fortuite, la présence d’une poche de gaz que les forages de protection n’avaient pas révélée.
La Direction s’est rendue le lendemain de l’accident au chevet des blessés et a rendu visite aux familles en deuil, auxquelles un premier secours fut remis. Le Sous-Préfet de Wissembourg, de son côté, a visité les blessés à l’Hôpital de Haguenau, accompagné de M. Brockmann, Secrétaire Chef de la Sous-Préfecture de Haguenau.
Les obsèques donnèrent lieu à une cérémonie émouvante au Siège Clemenceau, le mercredi 31 janvier, à 9 heures, précédant les funérailles individuelles qui furent célébrées dans les villages de résidence de ces victimes du travail.
Dans la salle de machines du Puits I, transformée en chapelle ardente, les trois cercueils, ramenés le matin à la mine et recouverts de fleurs, étaient gardés chacun par un piquet d’honneur de neuf mineurs en tenue de travail, tenant leur lampe allumée à la main.
Une affluence de plusieurs centaines d’ingénieurs, d’agents de maîtrise, d’employés et d’ouvriers entourait les familles des victimes et était contenue à peine dans le grand hall drapé de noir et de tricolore. Parmi les notabilités qui vinrent s’incliner devant les dépouilles mortelles, citons : M. Hug, Sous-Préfet de Wissembourg, accompagné du Capitaine Devillers, commandant la Gendarmerie de l’arrondissement, M. Rosenblatt, député du Bas-Rhin, le Dr Blavin, conseiller général, M. Regard, ingénieur en chef des Mines, accompagné de M. Deny, son adjoint ; les maires des communes de Merkwiller-Pechelbronn, Leiterswiller, Preuschdorf, Soultz-sous-Forêts, M. Macheret, délégué général de la Chambre patronale des industries du Bas-Rhin, M. Ziegler, de l’Union régionale des Sociétés de secours minières, Metz, une délégation des mines de potasse et de la Moselle, des sapeurs-pompiers de Merkwiller-Pechelbronn conduite par le chef de corps Hirlemann ; des syndicats CFTC et CGT, conduites par les secrétaires MM. Braun, Arbogast et Meyer, des membres de la presse régionale, etc. L’Union nationale des Combattants de Haguenau-Wissembourg avait délégué son président, accompagnant son drapeau.
M. P. Serrier, Directeur central des organisations techniques, venu exprès de Paris, représentait M. Bertaux, Président-Directeur Général. Il était entouré de MM. Blanchard, Hoctin, des ingénieurs, chefs de service, des membres du Comité d’établissement, d’une délégation du personnel de Strasbourg conduite par M. Brovelli et des délégués à la Sécurité Haffner, Kornprobst et Fontaine.
La cérémonie débuta par l’exécution d’un hymne aux morts exécuté par la Société de musique Concordia, dirigée par le chef de carreau Georges Spielmann. Après que M. le Pasteur Knorr, inspecteur ecclésiastique, et M. l’Abbé Knauer, curé de Kutzenhausen, eurent dit des prières aux morts, la Chorale Sainte-Cécile de Merkwiller-Pechelbronn chanta sous la direction d’Aloyse Hickel un air de circonstance.
M. Serrier prit alors la parole, au nom de la Direction générale et il sut en termes très sobres, dépeindre toute l’émotion que ressentait la direction et le personnel devant ce deuil collectif qui avait enlevé l’affection des leurs, trois de nos meilleurs mineurs. Le chef porion Becker résuma les circonstances du tragique accident et exprima en français et en allemand aux familles éplorées les condoléances émues de tous les camarades de travail des victimes. M. Meyer, secrétaire de la CGT, puis M. Arbogast, secrétaire de la CFTC, prirent successivement la parole pour rendre un ultime hommage aux morts de la mine.
M. Ribière, secrétaire général du Syndicat des travailleurs du sous-sol, venu du Paris, prit le dernier la parole pour faire valoir certaines revendications de la CGT avant de s’incliner devant les cercueils. A l’issue de cette émouvante cérémonie, les trois cercueils furent, au son d’une marche funèbre, transportés au domicile des victimes où eut lieu l’inhumation. Des délégations de la direction et du personnel assistèrent aux trois enterrements. Des cars avaient été mis à la disposition des familles pour les amener et les transporter vers leurs villages respectifs.
Les différentes cérémonies auxquelles a donné lieu ce tragique et douloureux sinistre qui a coûté la vie à trois de nos camarades de travail, a montré la grande solidarité qui unit tous les mineurs. De nombreuses marques de sympathie ont été accueillies sous forme de fleurs envoyées par le Service des mines, les Mines de Romchamp, la Chambre patronale des industries du Bas-Rhin, les syndicats ouvriers locaux et celui des Mines de potasse et de la Moselle, l’Union régionale des Sociétés de secours minières de l’Est, des sapeurs-pompiers de Merkwiller-Pechelbronn, pour ne mentionner que celles qui n’émanaient pas de la direction ou du personnel de la DMU. De nombreux télégrammes de condoléances nous sont aussi parvenus et parmi ceux-ci celui des " Anciens de Pechelbronn ", membres du personnel de la SNPLM, Montpellier.
La Voix de Pechelbronn prie les familles en deuil de trouver ici l’expression de ses vives condoléances et de toute sa sympathies émue. Elle forme pour les blessés les meilleurs voeux de prompt et complet rétablissement.

"La Voix de Pechelbronn", Organe de liaison et d’information des comités d’entreprise du Groupe Pechelbronn, n° 1, mars 1951