LE FORAGE ERUPTIF DE SOULTZ-SOUS-FORÊTS (21 juillet 1949)

UNE BRILLANTE VICTOIRE DES SONDEURS DE SOULTZ-SOUS-FORETS
IMPORTANT JAILLISSEMENT DE PETROLE A LA TOUR 63 LE DEBIT INITIAL S’ELEVAIT A 1.000 m3 PAR JOUR
L’année 1949 restera marquée dans l’histoire de Pechelbronn par un événement de la plus haute importance. Près de Soultz-sous-Forêts, à 18 kilomètres au nord de Haguenau, le pétrole a jailli, impétueux et abondant, dans la soirée du jeudi 21 juillet 1949.
Cette découverte extrêmement intéressante autorise de grands espoirs. Elle marque à coup sûr le début d’une ère nouvelle pour la Société Pechelbronn, précisément au moment où d’aucuns s’inquiétaient des réserves du gisement alsacien.
Voici, d’après le reportage de M. C.-G. Boissière, envoyé spécial du grand quotidien parisien « Le Monde », comment se déroula cet événement, qui restera mémorable à Pechelbronn. Le trépan atteignait 863 mètres
L’appareil de forage du type « rotary » était en place depuis le début du mois de mai. Le trépan, après avoir traversé les couches tertiaires, mordait déjà de ses dents d’acier dans le « muschelkalk », terrain de l’ère secondaire. Il était à 863 mètres de profondeur, quand un puissant jet bouillonnant sortit du sol, s’éleva jusqu’à vingt mètres dans la tour 63 et retomba en douche visqueuse sur les installations. Le maître-sondeur arrêta tout de suite les moteurs électriques pour écarter le risque d’incendie.
D’autres jaillissements impétueux se succédèrent à quelques instants d’intervalle et le pétrole se répandit dans le pré autour des machines ruisselantes. Les ingénieurs accourus entreprirent aussitôt de maîtriser l’éruption. La nuit, on l’imagine, fut chaude
pour eux. De la boue artificielle très dense, préparée spécialement dans un vaste bourbier creusé à proximité, fut injectée dans le sondage : il en fallut des quantités considérables, car la pression interne était supérieure à 100 kg par cm2.
Les jets intermittents perdirent enfin de la hauteur et se transformèrent en un large panache aux reflets verdâtres. Après plusieurs jours d’efforts, l’éruption put ainsi être maîtrisée. Le dispositif de captage fut alors mis en place.
1000 m3 le premier jour
Au cours des premières vingt-quatre heures, plus d’un millier de mètres cube d’un beau pétrole brut se répandirent dans le pré où se dresse le derrick. Ce chiffre dépasse sensiblement celui de décembre 1947 : une sonde avait atteint à cette époque un
autre gisement qui fournissait un débit initial, alors exceptionnel pour le bassin, de 120 m3 par jour. Entrepris immédiatement, des travaux de terrassement canalisèrent le flot d’huile et l’acheminèrent à la raffinerie par pipe-line, camions et wagons-citernes.
Depuis l’installation du dispositif de sondage, la sonde 4.515 débite sous sa pression naturelle de 25 kg. Du 29 août au 30 novembre 1949, elle a fourni 2.400 tonnes environ d’huile sèche.
Riche en huiles de graissage
Que vaut l’huile recueillie ? Selon les experts, elle est très différente d’aspect et de caractéristiques de celle extraite jusqu’ici du tertiaire. Elle présente un beau reflet vert, contient plus de 12 % de paraffine et elle est aussi exempte de soufre et d’asphalte.
Sa densité est de 0,840. Si elle ne révèle à l’analyse qu’une teneur assez faible en essence, elle forme, en revanche, une excellente matière première pour la fabrication de lubrifiants de marque. Par ses propriétés physiques, ce brut s’apparente aux huiles
de Pennsylvanie, de réputation mondiale.
Il est intéressant de noter que, cette fois, la découverte a été faite à une profondeur de 863 m, très supérieure à celle de l’étage de l’oligocène d’où le pétrole était jusqu’à présent pompé. L’appareil de perforation avait atteint le terrain que les géologues appellent le muschelkalk ou calcaire à coquillages.
Il manque des foreuses rapides et puissantes
Soulignons d’autre part que ce forage fut réalisé par un appareil du type « rotary » acheté en 1936 et seulement restitué après avoir été replié, durant la guerre, dans le Midi pour le soustraire à l’occupant. On n’est pas encore en mesure de tirer des conclusions définitives sur l’ampleur du nouveau gisement : il faudra auparavant forer plusieurs trous dans la région pour délimiter l’importance de la nappe, mais quelques difficultés restent à aplanir avant d’attaquer la nouvelle couche et d’explorer rationnellement toutes les ressources éventuelles du secondaire. Il est désormais indispensable de disposer de matériel de forage moderne pouvant dépasser 2.000 m. Il nous fait encore défaut. On sait que les foreuses rapides et puissantes se construisent exclusivement aux Etats-Unis. Il est donc nécessaire, pour acheter cet outillage, d’obtenir des dollars du gouvernement…
En attendant, des arrangements ont été conclus avec la Régie Autonome des Pétroles et la société Forex pour la mise temporaire à notre disposition de deux derricks et de leurs équipes de spécialistes.
Une tour télescopique « Francks » fut mise en activité aux abords de Soultz-sous-Forêts dès le début du mois d’octobre. Parallèlement plusieurs tours, dites « semi-rotary » du parc de Pechelbronn, se sont mises à proximité.
Il règne désormais une grande activité en surface de la plage nord du gisement. On a rarement vu en Alsace une telle densité de tours dans un périmètre aussi restreint.
Toute la population suit avec un vif intérêt l’effort considérable que tous les échelons du groupe « Production » déploient pour atteindre l’objectif qui leur est assigné. Le service des puits n’a pas voulu être en reste.
Lui aussi a mis la main sur une forte venue d’huile (initialement de 10 m3 par jour) localisée au cours du travail de fonçage du puits VIII.
Ainsi que la presse s’est plût à le souligner, l’ancêtre des exploitants pétroliers de France montre, une fois de plus, sa vitalité.

« La Voix de Pechelbronn , organe de liaison et d’information des Comités d’entreprises du Groupe Pechelbronn », n° 8, décembre 1949, 4 rue Léon Jost, 75018 Paris.

ENCOURAGEE PAR LE JAILLISSEMENT DE SOULTZ-SOUS-FORETS, LA SOCIETE A DRESSE UN PROGRAMME DE RECHERCHES ETALE SUR SIX ANS
(Déclaration du Président Lambert devant le Comité d’Etablissement, Pechelbronn Paris).

La production totale de la concession, depuis son origine, est voisine de 3 millions de tonnes. Dès avant la guerre, les recherches s’étaient orientées vers les terrains secondaires.
Grâce à l’acquisition d’un appareil rotary puissant, un premier sondage a pu être poussé jusqu’au primaire, sans aucun résultat d’ailleurs.
Pendant l’occupation, la gestion allemande, cherchant à obtenir avant tout du tonnage sans préoccupation d’avenir, ne fit aucune recherche et entretint très mal le matériel.
A la Libération, nous nous trouvions donc en présence d’un matériel de forage très fatigué et privé de son meilleur élément, la sondeuse rotary, qui avait été repliée dans le Midi et utilisée par la S.N.P.L.M.
La direction technique de Merkwiller s’est efforcée d’améliorer son vieux matériel. Elle put disposer assez rapidement de quatre tours pour profondeur moyenne, dites semi-rotaries. Les premiers résultats obtenus au point de vue des recherches dans le secondaire sont les suivants.
A la fin de l’année 1947, entre le tertiaire et le secondaire, a été découvert un gisement dit de la « lettenkohle ». Grâce à son appoint, la production a pu être maintenue à 50.000 tonnes. L’appareil rotary, restitué par la S.N.P.L.M. au début de cette année,
a été implanté au mois de mai près de Soultz-sous-Forêts, en vue d’explorer le secondaire. Lorsque le « muschelkalk » ou calcaire à coquilles, fut atteint à une profondeur d’environ 860 m, une éruption se produisit le 21 juillet 1949.
Un débit initial extrêmement puissant, de mille mètres cubes par 24 heures rendit assez difficiles les opérations de mise en exploitation de la sonde. Celle-ci fut néanmoins réalisée dès le 26 août (sonde 4.515).
Pendant une période de plusieurs mois, des études devront encore être faites en vue d’adopter le débit d’exploitation le plus rationnel, compte tenu de la présence d’eau salée et de gaz qui accompagnent toujours le pétrole.
Le jaillissement ayant attiré l’attention sur Pechelbronn, différentes facilités nous ont été offertes, et la société a pu mettre sur pied un programme de recherches sur six ans. Dès à présent, la tour rotary fore un nouveau sondage à proximité du précédent et va prochainement atteindre les horizons intéressants.
La Régie Autonome des Pétroles a mis, d’autre part, à notre disposition un appareil très moderne qui, dès le début de novembre, a rejoint les couches reconnues par le précédent forage. Ce nouveau forage est encours d’étude, mais on peut déjà noter que les premiers résultats concordent avec ceux de la sonde 4.515. En outre, trois semi-rotaries ont été implantées dans la même région.
Les reconnaissances entreprises doivent permettre de délimiter le gisement qui se présenterait, non pas sous forme de lentilles, mais plutôt sous forme de banc ou de nappe. Il est évident que des recherches sont entreprises dans le reste de la concession, là où les mêmes structures peuvent être atteintes. Au début de 1950, la société doit pouvoir disposer de trois appareils nouveaux, et plus tard de deux autres appareils.

"La Voix de Pechelbronn" , organe de liaison et d’information des Comités d’entreprises du Groupe Pechelbronn », n° 8, décembre 1949, 4 rue Léon Jost, 75008 Paris.