
L’inauguration de la raffinerie (4 juin 1926)
Hier, le ministre des Travaux publics, M. de Monzie
(*) s’est rendu à
Merkwiller-Pechelbronn pour procéder à l’inauguration des nouvelles
raffineries de la Société de Pechelbronn. M. le ministre du Commerce
avait tenu à se faire représenter par M. Pineau, directeur de l’Office national des combustibles liquides ;
M. le ministre de la Guerre par le colonel Karcher et le
sous-secrétaire d’Etat à la l’Aéronautique par M. Dumanois.
Plus de 300 invités, de nombreux parlementaires, les membres du Comité
scientifique du pétrole et des divers services techniques de l’Etat et
des représentants des grandes compagnies de chemin de fer, des grandes
industries et de la construction d’automobiles, assistaient à cette
cérémonie.
A l’arrivée du train spécial venant de Strasbourg, un certain nombre de
décorations furent remises à des membres du personnel de la société et
en particulier une soixantaine de médailles du Travail, données aux
ouvriers les plus méritants et donc
voici les noms (suit la liste des noms)
. On procéda ensuite à la visite
par groupes des nouvelles usines où la société de Pechelbronn a
introduit les derniers perfectionnements modernes en vue de tirer tout
le parti possible, sans aucune déperdition du
précieux pétrole brut qu’elle extrait de notre sol.
Il faut venir visiter sur place cette raffinerie, la seule en France et
même en Europe traitant entièrement tous les produits successifs qu’on
peut obtenir du pétrole, pour se rendre compte de l’importance de ses
grandes installations pouvant rivaliser
avec les raffineries américaines les plus modernes et dont une simple description ne saurait donner une idée.
De nombreux techniciens qui se trouvaient là ont particulièrement
apprécié les super-centrifugeuses pour l’extraction de la paraffine,
véritable bijou d’horlogerie tournant à 17.000 tours par minute ainsi
que la qualité des nouvelles huiles auto que
ces appareils permettent d’obtenir et qui apparaîtront sous peu sur
notre marché sous le nom d’huile « Antar ». La transparence remarquable
de ces huiles a pu être remarquée par chaque visiteur.
A la fin de la visite, un banquet réunit les invités avec les membres
principaux du personnel de la société, parmi lesquels se trouvait une
délégation des ouvriers, s’associant ainsi à leurs patrons pour fêter
les progrès de leur industrie.
A la table ministérielle, nous avons remarqué, en outre des
personnalités officielles citées plus haut : le comte Diamandy,
ambassadeur de Roumanie, le général Berthelot, M. Emile Borel, ancien
ministre, M. Valot, directeur des services d’Alsace-Lorraine, M.
Fernand Herrenschmidt, président de la Chambre de commerce de
Strasbourg, M. Charléty, recteur de l’Université de Strasbourg.
Se trouvaient également parmi les invités : MM. Diebold, Weber, Lazare
Weiller, Dr Gasser et Helmer, sénateurs ; MM. Charles Baron, Altorffer,
Walter, Bazile, Tasso, Dr Peyroux, Silbermann et Frey, députés ; les
consuls d’Angleterre, des Etats-Unis, d’Italie, de Pologne et de
Tchécoslovaquie ; les généraux de Pouydraguin, Borschneck, Reibel,
Challeat ; M. Carré de Malberg, président du tribunal, MM. Rateau et
Koenig, membres de l’Académie des sciences, M. Guillaume, directeur
général des mines, M. Weiss, directeur de l’Ecole du pétrole, M. Retz,
directeur général des mines domaniales de la Sarre, M. Riboud,
directeur de la Compagnie des chemins de fer de l’Est, M. Detoeuf,
directeur général de la Compagnie Thomson-Houston.
Les discours furent prononcés successivement par M. Borromée, préfet du
Bas-Rhin, M. Daniel Mieg, président du Conseil d’administration de
Pechelbronn, MM. Altorffer député, Oberkirch, député et président du
Conseil général du Bas-Rhin, Pineau, directeur de l’Office national des
Combustibles liquides et Charles Baron, président de la Commission des
mines de la Chambre.
Le ministre, M. de Monzie, prit ensuite la parole pour féliciter ses
hôtes de l’effort accompli. Soulignant la collaboration dans le domaine
industriel entre l’Alsace et le reste de la France, il dit avec force
que mauvais sont ceux des Alsaciens qui veulent faire bande à part, qui
veulent s’isoler dans leur orgueil et qui parlent d’autonomie (**). Il
termine en disant qu’il ne fera pas appel à leurs sentiments de
patriotisme, mais qu’il a le droit de leur dire que l’intérêt,
l’intérêt tout seul commande à tout Alsacien d’associer étroitement son
effort à l’effort français.
Les paroles de M. de Monzie ont été vivement acclamées. Le ministre a
ensuite annoncé que le Président de la République avait signé le décret
conférant le grade de Chevalier de la Légion d’Honneur à M. Pélissier,
directeur technique de la Société,
dont la part a été particulièrement active dans le développement pris par la Société de Pechelbronn depuis quelques années.
A l’issue du banquet, un train spécial amenait les invités fort
intéressés par cette journée toute à l’honneur de l’industrie
française. M. de Monzie est rentré à Paris par le train de 15 h 35.
Dernières Nouvelles de Strasbourg, samedi le 5 juin 1926.
(*) Anatole de Monzie était sénateur-maire de Cahors. Vingt jours plus
tard, il fut remplacé, dans le 10e cabinet Briand, par Daniel Vincent.
C’était son deuxième voyage officiel en Alsace, car en janvier 1926,
Anatole de Monzie avait réussi à faire voter la loi sur le statut des
cheminots d’Alsace-Lorraine. Il redevint ministre des Travaux publics
dans le dernier gouvernement Daladier.
En février 1940, le commandant Loustaunau-Lacau, alors stationné à
Ingolsheim, près de Riedseltz, l’accusera d’intelligence avec l’ennemi.
Mais les faits ne purent être démontrés, même après la guerre
(voir Jean-Claude Streicher : « Un épisode de la drôle de guerre à
Ingolsheim : le Commandant Loustaunau-Lacau accuse le ministre Anatole
de Monzie d’intelligence avec l’ennemi ».
L’Outre-Forêt, n° 95, 3e trim. 1996.
(**) On était à la veille de la publication du manifeste du Heimatbund.
L’article de « L’Illustration » :
LE PETROLE FRANCAIS Une visite à Pechelbronn
(…) Les huiles de graissage, qui constituent la partie la plus
importante de la production (de Pechelbronn), étendent leur gamme
depuis les huiles à broches les plus fluides jusqu’aux huiles les plus
visqueuses. On conçoit dès lors, que la Société ait cherché à orienter
ses distillations vers la production de l’huile pour automobiles.
Elle a créé une nouvelle raffinerie, inspirée des derniers procédés
américains, où sont appliquées les méthodes les plus scientifiques et
les plus modernes. Ne pouvant entrer dans le détail des traitements
compliqués que subit l’huile brute, je me borne à indiquer la
différence de principe que présentent les deux conceptions.
Auparavant, des distillations fractionnées successives séparaient les
divers produits, qui étaient ensuite raffinés individuellement.
Aujourd’hui, on raffine la matière brute avant toute distillation, puis
on sépare les produits. En même temps qu’on réduit le nombre des
distillations, on évite des réactions nuisibles à la qualité des
huiles. La décoloration est une opération délicate, pour laquelle on
devait jusqu’à ces derniers temps recourir à des terres spéciales,
importées d’Amérique. On a découvert récemment, en Algérie, des terres
qui donnent le même résultat.
La raffinerie de Pechelbronn possède 54 alambics d’une capacité totale
de 2.000 m3. Ses réservoirs peuvent contenir plus de 30.000 m3. Elle
peut désormais traiter 100.000 t par an, alors que la production de
l’huile brute, qui a doublé depuis l’Armistice, atteint 80.000 t.
Dans les moindres détails se révèle le souci de réaliser une
installation modèle. Un réseau d’incendie étend ses ramifications dans
toutes les dépendances de l’usine et il suffit de tourner un robinet
pour lancer sur le réservoir en feu un liquide qui, en quelques
instants, étouffe la flamme sous une masse d’acide carbonique.
D’autre part, la préparation des emballages occupe des ateliers, dont
au premier abord, on ne soupçonne point l’importance. L’expédition se
fait en wagons-citernes, en fûts ou en bidons. Le chêne de France, le
hêtre, le châtaigner ont été reconnus inutilisables pour les fûts. On
achète des fûts américains usagés, faits d’un chêne spécial qu’il faut
« dégommer », nettoyer, coller et repeindre. La vente au détail exige
plus de 100.000 bidons. En traversant ces ateliers, un ingénieur
faisait remarquer que le monopole du pétrole imposerait à l’Etat une
dépense d’environ 2 milliards pour le seul achat des emballages.
Il ne m’appartient pas d’apprécier l’huile de Pechelbronn. Les
producteurs affirment qu’elle est parfaite et de qualité constante. Les
chauffeurs jugeront. Je me bornerai à noter l’influence que l’effort
éminemment louable de la Société alsacienne peut avoir sur la réduction
de nos importations. Les experts estiment que la France consomme
annuellement 80.000 t d’huile pour les voitures de tourisme et 70.000 t
pour les poids lourds, soit un total de 150.000 t que nous importons.
Pechelbronn produit actuellement 300 à 400 t d’huile auto par mois. En
appliquant les nouveaux procédés de raffinage, on espère arriver
bientôt à 10.000 t par an et, peut-être, dans un avenir assez
rapproché, à 25.000 ou 30.000 t.
Or la tonne d’huile pour auto importée représente, en ce moment, une
somme de 4.500 francs, qui sort de France, soit, pour 10.000 t, 45
millions. Ce chiffre ne correspond pas exactement à la somme à payer en
moins à l’étranger, car nous devons importer une quantité d’huiles de
graissage ordinaires, d’un prix moindre, compensant les produits de
cette nature que Pechelbronn aura cessé de fournir. Il en résultera
cependant un profit fort appréciable et, avec, une vingtaine de petits
profits de ce genre, on approche du milliard.
F. Honoré, L’Illustration du 19 juin 1926, page 635.
Le commentaire de l’Echo de Wissembourg :
PECHELBRONNER BRIEF
(…) Es ist nicht zu leugnen, dass die neue französische
Gesellschaft es verstanden hat, sehr zahlreiche Verbesserungen im
Betrieb von Pechelbronn einzuführen. Sie versteht es grosse Gewinne zu
machen. Leider trachtete man nach diesem Ziele nicht allein durch
technische Verbesserungen und Neuorganisation des Betriebs, sondern
auch durch Ersparnisse an den Löhnen des Personals. Unter den
Millionengewinnen Pechelbronns sind grosse Summen, die den Arbeitern
und dem Personal von ihrem gerechten Lohn vorenthalten werden.
Die Herren, welche diese « himmelsschreiende Sünde » (Leo XIII, in der
Enzyklikaa Rerum novarum) begehen, rechnen nie damit was der Arbeiter
zum Leben braucht, sie selbst haben ja genug und bekommen sogar
übergenug an Tantieme, wenn sie die Dividenden ein wenig
heraufschrauben können. Die Rechnung ist so einfach : jedem Arbeiter
pro Tag etwa 4-5 Frs weniger als das was man in den heutigen Tagen als
« gerechter Lohn » bezeichnen muss, das macht pro Mann eine jährliche
Ersparnis von etwa 1.500 Frs. Bei etwa 4.000 Arbeiter und Angestellten
sind es im Jahr etwa 6 Millionen Franken. Damit bleibt dann eine
Million in den Händen der Adminstrateure, Direktions- und
Aufsichtsratsmitglieder. Dem Arbeiter ist man « mehr schuldig als den
Lohn » und gibt ihm dann eine Medaille, wenn er nach 25-30 Jahren genug
Tausende von seinem gerechten Lohne in die Taschen der hohen Herren hat
wandern gehen.
Unlängst war die Einweihung der neue Raffinerie, die mit grossem Pomp
begangen wurde. Die Anlage war zwar schon mehrere Monate in Betrieb und
es wäre auch so weitergegangen. Wenn aber diese Neuerung bis in die
höchsten Kreise anerkannt werden soll, wenn für solch eine Leistung die
Légion d’honneur oder ein anderes Bändele verliehen werden soll, dann
muss der Minister und so un so viel andere Herrschaften zu einer «
feierlichen Feier » eingeladen werden – billiger machen sie es aber
nicht.
Fein und vornehm kamen die Herrschaften im Extrazug, was seit der
Fahrpreiserhöhung (Arbeiterkarten) (*) viel moderner und angenehmer ist
als eine Autofahrt. Im Auto hätte sich nämlich der Minister davon
überzeugen können, dass unsere Strassen miserabel sind, und das hätte
seine Stimmung verdorben.
Viele Tausende von Franken wurden ausgegeben für die äussere
Ausstattung und Aufmachung bei diesem Ministerbesuch. Alles war fein
arrangiert und ein Menu wurde serviert, das etwa fünf Arbeitertaglöhne
zum Bezahlen eines Gedecks knapp gereicht haben. Es ging sogar viel
mehr als ein Arbeiter-Wochenlohn darauf pro Gast, wenn man alles drum
und dran dazu rechnet. Die Gesellschaft kann sich das leisten, sie
wartet einfach mit der
Gewährung einer neuen Teuerungszulage für die Arbeiter noch ein paar Monate länger und die Sache ist wieder gespart.
Es hat viele gefreut, dass auch der sozialistische Député Baron, der
Präsident der Bergwerkskommission der Kammer, mit der Feier war. Doch
welche Enttäuschung : genau wie ein Minister hat ein sozialistischer
Député bei solchen Gelegenheiten nur anerkennende Worte für die
Kapitalisten, die ihm das feine Essen und den Champagner bezahlen. Die
Arbeiter, mit ihren Hungerlöhnen können die Herrschaften eben zu einem
so feinen Bankett nicht einladen. Sogar Führer der CGT stören sich
nicht an unberechtigten Lobreden auf die Kapitalisten, wenn sie diese
nur bei einem guten Bankett anhören können.
Sogar von « schlechten Elsässern » hatte der Minister beim Champagner
gesprochen. O, wenn man von einer französischen Gesellschaft eingeladen
ist, wenn man gut gegessen und genug getrunken hat, wenn man gleich
nach der Rede in den bereitstehenden Zug springen kann, dann darf man
sich auch etwas leisten. Es war vielleicht eine Entgleisung – aber wenn
in den gut veralterten Bahngesellschaften Entgleiseungen vorkommen,
dann darf auch einmal in der schlachtregierenden Regierung ein Minister
entgleisen.
Die Arbeiter erhielten zur Erinnerung an die schöne Feier auch ein
Trinkgeld von 20 Frs, die Angestellten hatten einen Tag frei dafür.
Sage da jemand, dass das Personal zu kurz gekommen ist. Nein alles war
gelungen, sogar der Witz von den « schlechten Elsässer » !
Echo de Wissembourg, Samstag den 19. Juni 1926.
(*) Au début de l’année, les cartes hebdomadaires de travail
avaient été augmentées de 180 %, mais pour la 1ère classe
l’augmentation n’avait été que de 6,5 %. Ce renchérissement ne fut
guère apprécié, car beaucoup d’ouvriers et de mineurs du Pechelbronn se
rendaient alors au travail en train.