Floralix, le village
gaulois à Orléans
Les Floralies, exposition d’un genre nouveau en
France, s’accompagnaient d’une attraction plus ludique et commerciale, elle
aussi totalement novatrice : un « vrai » village gaulois,
grandeur nature, d’une superficie de 3 ha ! Un parc à thème avant l’heure
baptisé Floralix, qui a attiré un monde fou, en marge
de la manifestation horticole et florale proprement dite, et qui a été utilisé
comme argument publicitaire de choc.
Ce village se trouvait de l’autre côté du Dhuy qu’on traversait par trois petits ponts en dos d’âne.
L’idée en avait été proposée à l’Association Florale orléanaise par Ned Rival,
ancien animateur de radio devenu conseil en relations publiques. En effet les
héros d’Uderzo et Goscinny connaissent alors un immense succès : un an
avant l’ouverture du parc Floralix, l’hebdomadaire
l’Express consacre sa Une au « Phénomène Astérix ». Cette année-là,
près de deux millions d’albums dessinés par Goscinny ont été vendus en
France ; Astérix fait partie des best-sellers de l’année et Floralix va joyeusement voguer sur la tendance.
On fait donc sortir de terre un village gaulois
« pour de vrai », avec sa grande place, sa maison du chef, ses rues,
ses huttes aux toits de chaume, sa halle, son élevage de sangliers, sa maison
du barde sur pilotis. En face du village, le camp romain avec ses tentes et son
arène. Le tout est entouré d’une enceinte avec portes monumentales et tour de
guet. Et pour annoncer la couleur, à l’entrée du village, une imposante statue
du petit gaulois moustachu accueille les visiteurs (sur son socle on peut
lire : « A Astérix, Floralix
reconnaissant. »)
Mais le clou du spectacle, c’est le fameux temple
gallo-romain, le temple de Mars Mullo. Le recteur
Gérald Antoine (le tout premier recteur de la nouvelle académie
d’Orléans-Tours) adhère au projet de reconstitution d’un temple et confie à un
éminent professeur de la Faculté de Lettres de Tours, le professeur Borius, la mission de veiller à la vérité historique de la
réalisation. On fait dans le sérieux, et ce n’est pas un temple de fantaisie
que l’on reconstitue : on prend modèle sur le temple gallo-romain
découvert par M. Pierre Terrouane en forêt d’Allonnes
dans la Sarthe en 1952, dédié à Mars Mullo (Mars
étant le dieu romain et Mullo son équivalent
gaulois). La reconstitution, subventionnée par Paris-Match, Agfa-Gevaert et
l’Association florale orléanaise, a été réalisée en deux mois sous la direction
du décorateur Jean Clamens (originaire de Boynes),
d’après les conseils du Pr Borius. Le temple est
construit en staff sur tubes, des artisans staffeurs orléanais ayant été
chargés de la reproduction fidèle des colonnes et des chapiteaux. Il a fallu 21
km de tubes et 23 tonnes de plâtre que l’entreprise Portier (Peintures et
Décorations à Orléans) a recouvert de 4 tonnes de peinture ! Cette
ambitieuse construction fait 23 mètres de hauteur, 38 mètres de long et 22
mètres de large.
Comme on a vu grand, très grand, on a pris un peu de
retard et le village gaulois n’est pas achevé lors de l’inauguration (il le
sera en mai). Edgar Faure, le jour de l’inauguration, visite donc Floralix encore en chantier et dans la boue, ce qui ne
l’empêche pas de trouver cela fort amusant : on le voit même se coiffer
d’un casque gaulois devant les journalistes ravis – ce qui fait écrire au
Canard Enchaîné le lendemain « Pour une fois que c’est le ministre qui
casque ! ».
Tout au long des Floralies, de très nombreuses
animations ont lieu dans le village gaulois : on peut voir dans le temple
un ambitieux spectacle audio-visuel permanent, intitulé Florama,
dans lequel le délicieux écrivain Gaston Bonheur raconte en images la vie
quotidienne de nos « ancêtres les Gaulois ».
Des concours et des spectacles de variétés se
déroulent chaque jour sur la place centrale du village, avec son podium et ses
arènes : les grands bals de la Jeunesse, la fête Gauloise de la Pentecôte,
des vedettes de music-hall (Polnareff, Annie Cordy, Françoise Hardy, Pierre
Perret, Juliette Gréco, Nana Mouskouri entre autres),
des programmes TV de l’O.R.T.F. ; une antenne, Radio-Floralix,
s’installe sur les lieux, animée par de célèbres speakerines de France-Inter.
On pouvait aussi voir dans les rues des bateleurs, des cracheurs de feu, des
chiens savants, des briseurs de chaînes, et dans l’arène romaine des courses de
chars, l’élection de miss camp romain, et même, en août, les fameux jeux
télévisés d’Intervilles.
Dans un esprit plus commercial, les huttes du village
gaulois et les tentes du camp romain ont été louées (assez cher) à différentes
enseignes non horticoles : boutiques, drugstores, restaurants, tavernes,
galeries d’art… A la discothèque le Tumulus, au restaurant « Chez
Cléopâtre » et à la rôtisserie « Au rieur sanglier », on paye en
sesterces.
Au lendemain des Floralies, les structures de Floralix, d’un entretien trop coûteux, seront supprimées
les unes après les autres. Seule la halle gauloise connaît une reconversion
provisoire : en 1968 elle est installée au Parc des Expositions tout
nouvellement construit et ne sera démolie qu’en 1975, remplacée par le
« Hall de Prestige. » Avec elle disparaissait le dernier vestige de
cette attraction d’avant-garde qui a été, pour l’époque, un énorme succès
populaire.